Il y a quelques jours, le Maroc a obtenu l’inscription du caftan marocain au patrimoine immatériel de l’UNESCO, tandis que l’Algérie conserve une reconnaissance du même habit dans le cadre d’un costume traditionnel. L’organisation onusienne pour la culture renvoie donc dos à dos les deux voisins du Maghreb qui se disputent l’origine de cette tunique. Alger et Rabat ont quand même revendiqué chacun la victoire, en traitant au passage l’autre de falsificateur.
Lors de la 20ᵉ session de sa Commission intergouvernementale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, le jeudi 11 décembre 2025 à New Delhi (Inde), l’UNESCO a validé l’inscription du caftan par l’Algérie en tant que composante essentielle de son patrimoine culturel. Ce vote est l’aboutissement d’un long travail de défense, de clarification et de valorisation débuté en 2024, après que le pays a soumis un dossier auprès de l’organisme onusien pour faire reconnaitre l’habit traditionnel de l’Est algérien.
Alger salue un nouveau succès diplomatique majeur
Le ministère algérien des Affaires étrangères a salué « un nouveau succès diplomatique majeur pour l’Algérie, tant sur la scène culturelle internationale que dans le cadre de la diplomatie multilatérale ». Il assure que l’UNESCO a « clairement et explicitement reconnu la prééminence de l’Algérie en matière de caftan traditionnel comme composante fondamentale de son riche patrimoine culturel », et scellé son enracinement dans l’identité nationale. Alger affirme en outre que cette inscription du caftan algérien au patrimoine mondial de l’UNESCO vise non seulement une valorisation accrue de ses traditions nationales, mais également une meilleure protection contre les tentatives de plagiat ou d’appropriation.
Le caftan marocain également inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco
En évoquant une tentative de plagiat et d’appropriation, Alger attaque en fait Rabat, l’ennemi juré depuis plusieurs décennies. Lors de cette même réunion à New Delhi, le caftan marocain a aussi été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, au grand dam des autorités algériennes. Le ministère de la culture marocain s’est félicité d’une « reconnaissance » pour un « symbole vivant de l’identité marocaine ».
Pour leur part, les médias marocains ont évoqué une « victoire » face à l’Algérie, qui aurait tout fait pour bloquer le processus d’inscription, en vain. Selon eux, Alger a usé d’un stratagème machiavélique et indigne, notamment en introduisant un amendement reprochant au Maroc de ne pas avoir respecté les textes de l’Unesco et d’avoir prétendument repris dans son dossier des « éléments de bijoux et de parures » déjà présentés par l’Algérie.
Le caftan promu par les souverains des dynasties Zianide et Ziride
Initialement masculin avant de devenir un costume féminin de cérémonies nuptiales et festives, le caftan est un habit traditionnel d’apparat qui a été porté par les souverains des dynasties Zianide et Ziride durant leur règne en Afrique du nord, particulièrement dans l’est de l’Algérie actuelle, entre le Xe et le XVIe siècle.
A partir du XVIe, cette tunique a été perpétuée par les Ottomans et a connu une expansion notable dans le monde arabe, grâce à l’essor de l’artisanat traditionnel. Le caftan prend la forme d’une tunique longue confectionnée avec différents types de tissus et broderies (velours, soie ou tissus soyeux, en laine ou en coton). Ses styles varient selon les régions qui l’ont adopté. Cet habit est aujourd’hui présenté dans plusieurs musées du monde.
Une bataille culturelle sur fond de conflit politique
Le Maroc et l’Algérie revendique chacun l’origine du caftan depuis plusieurs années. Cette bataille culturelle des deux voisins du Maghreb se déroule sur fond politique. Alger a rompu en 2021 ses relations diplomatiques avec Rabat, principalement à cause du dossier du Sahara occidental. Ce vaste territoire contrôlé en majeure partie par le Maroc (80%) exprime des velléités d’indépendance depuis le retrait en 1975 de la puissance coloniale, l’Espagne. C’est un peu le Hong Kong marocain.
Le Front Polisario, mouvement armé soutenu par l’Algérie, occupe les 20% restants. Plusieurs pays, dont la France et les États-Unis ont reconnu la souveraineté du Maroc sur ce territoire. D’autres, traditionnellement favorables à l’indépendance du Sahara occidental, comme l’Afrique du Sud, se rapprochent de plus en plus de Rabat. Ainsi, l’Algérie se retrouve seule sur ce dossier.



