Le caftan marocain aux portes de l’UNESCO : un enjeu culturel, économique et identitaire

Culture Maghreb Maroc

Lorsque le 20ᵉ Comité intergouvernemental de l’UNESCO se réunira du 8 au 13 décembre à New Delhi, un dossier retiendra tout particulièrement l’attention au Maghreb : la candidature du caftan marocain au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Derrière cette initiative, il ne s’agit pas seulement d’obtenir la reconnaissance d’un vêtement. Le Maroc cherche à faire valoir une tradition vivante, porteuse d’identité et moteur d’un véritable écosystème économique.

Longtemps associé aux grandes occasions, le caftan marocain raconte une histoire plurielle. Héritier d’influences arabes, amazighes et juives, il s’est imposé comme la pièce maîtresse de l’art vestimentaire national. Ce qui le distingue avant tout, c’est la précision de son exécution. Rien n’y est laissé au hasard. Broderies de soie ou de fil d’or, passementerie réalisée à la main, boutons minutieusement enroulés, motifs élaborés pendant des heures… le caftan relève autant de l’œuvre d’art que du vêtement.

Cette sophistication repose sur des métiers anciens. Les tisserands préparent les étoffes, les brodeuses apposent leur signature délicate, les artisans-tailleurs sculptent la silhouette, tandis que les apprentis apprennent patiemment les techniques. Les couturiers, appelés m’almīne, véritables maîtres artisans du caftan, jouent un rôle central dans la transmission de ces savoir-faire ancestraux. Cet ensemble humain illustre parfaitement la notion de patrimoine immatériel défendue par l’UNESCO : une connaissance transmise oralement et par la pratique, loin des monuments figés.

La candidature du Maroc intervient alors que le caftan connaît une renaissance remarquable. De jeunes créateurs l’ont réinventé en introduisant des coupes nouvelles, des matières plus légères et une esthétique contemporaine. Sans renoncer au geste traditionnel, ils ont repositionné le caftan dans l’univers mondial de la mode. Grâce aux défilés, aux collaborations internationales et à une présence accrue dans les médias, ce vêtement séculaire s’affirme désormais comme un véritable ambassadeur de la créativité marocaine.

Cette dynamique dépasse largement la seule dimension culturelle. Elle est aussi économique. Le secteur du caftan mobilise des milliers d’artisans et anime des ateliers dans plusieurs régions. Une reconnaissance par l’UNESCO renforcerait cette filière en stimulant la demande, en encourageant les formations et en consolidant la transmission des savoir-faire. Elle contribuerait également à valoriser les femmes, très présentes dans les métiers de la broderie ou de la couture fine.

Si l’UNESCO inscrivait le caftan marocain à sa Liste représentative, il deviendrait un symbole du patrimoine vivant, un patrimoine en mouvement, capable de s’adapter. La Convention de 2003, qui recense déjà 788 éléments dans le monde, rappelle que ces traditions renforcent la cohésion sociale, nourrissent la créativité et favorisent le dialogue interculturel. Le caftan répond pleinement à ces critères, puisqu’il incarne un lien constant entre mémoire et modernité.

Pour le Maroc, cette candidature revêt donc un enjeu stratégique. Une reconnaissance internationale serait un hommage rendu à des générations d’artisans, mais aussi un moyen de protéger une tradition fragilisée par la standardisation et la production industrielle. En portant le caftan aux portes de l’UNESCO, le Royaume affirme la nécessité de préserver un héritage qui continue de vivre, de se transformer et de raconter l’histoire d’un peuple.