Ce n’est plus un secret. Donald Trump est obsédé par le prix Nobel de la paix, au point de le réclamer ouvertement. Le président américain assure qu’il le mérite car il aurait mis fin à de nombreuses guerres dans le monde. Il cite les conflits opposant la Russie à l’Ukraine, le Cambodge à la Thaïlande, Israël au Hamas et le Rwanda à la RDC, notamment. Sauf que ces crises se poursuivent ou ont repris.
Que ne ferait pas Donald Trump pour avoir enfin son prix Nobel de la paix ? Le président américain s’est récemment fait remettre un prix de la paix FIFA par son copain Gianni Infantino, qui lui fait les yeux doux afin que se tienne sa Coupe du monde aux États-Unis. Depuis plusieurs mois, le dirigeant républicain multiplie aussi les faux accords de paix à travers le monde pour convaincre le comité du Nobel. Faisons un point sur ces accords imaginaires, bricolés, imposés et monnayés.
Les combats ont repris entre le Cambodge et la Thaïlande
En marge du 47e sommet de l’ASEAN, le 26 octobre dernier, le Cambodge et la Thaïlande ont signé un accord de paix à Kuala Lumpur, en présence du président américain Donald Trump. Cet accord était censé marquer une étape cruciale vers la fin d’un conflit frontalier qui dure depuis plus d’un siècle. Le président américain s’était targué d’avoir définitivement rétabli la paix entre les deux voisins d’Asie du sud-est.
Sauf qu’un mois plus tard, les affrontements ont repris. Depuis dimanche, les deux pays se donnent coup pour coup à travers des frappes aériennes et des bombardements notamment. Des soldats et des civils ont été tués de part et d’autre. Donald Trump a promis d’appeler Bangkok et Phnom Penh pour stopper l’escalade, mais la Thaïlande affirme qu’elle agira jusqu’à ce que la menace disparaisse.
Israël continue d’agresser Gaza
Un autre conflit que Trump dit avoir résolu, c’est celui de Gaza. Début octobre, le Hamas et Israël ont signé un cessez-le-feu, sous l’égide des États-Unis, pour cesser l’agression israélienne dans l’enclave palestinienne. L’accord prévoit que le Hamas libère les 48 otages encore en vie ou décédés à Gaza. En échange, Israël doit libérer près de 2 000 détenus palestiniens et restituer les corps de centaines d’autres morts.
Ce qui a été fait. Mais ce cessez-le-feu reste fragile à cause des violations israéliennes fréquentes. Celles-ci empêchent le plan de passer à sa deuxième phase. Le mouvement de résistance palestinien appelle donc les médiateurs, dont les États-Unis et le Qatar, à faire pression sur Tel Aviv pour qu’il respecte sa parole.
Kigali fait un doigt d’honneur à Donald Trump
Le 4 décembre, Donald Trump a convoqué à la Maison Blanche les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame pour signer un accord de paix et économique visant à mettre fin aux combats dans l’est de la RD Congo. À peine une semaine plus tard, les rebelles du M23, soutenus par Kigali et appuyés de plus de 5000 soldats rwandais, ont repris leur marche en avant en prenant possession de la ville de Uvira située dans la province du Sud-Kivu.
La reprise des attaques représente un doigt d’honneur aux Etats-Unis. Félix Tshisekedi a accusé le Rwanda d’avoir violé l’accord de paix négocié par Donald Trump, tandis que Paul Kagame affirme l’inverse. Au moins 74 personnes ont déjà été tuées et les combats s’étendent à la frontière burundaise. Vu la tête que faisaient les protagonistes à Washington (comme contraints), on savait que cet accord ne tiendrait pas longtemps…
Donald Trump n’a obtenu aucune avancée dans les pourparlers de paix entre Ukraine et Russie
En Ukraine aussi Donald Trump, qui avait promis de régler le conflit en quelques jours, n’a toujours pas réussi à faire plier les protagonistes. Vladimir Poutine a refusé à plusieurs reprises de participer à des négociations avec les dirigeants ukrainiens, les jugeant illégitimes en l’absence de nouvelles élections (le mandat de Zelensky est terminé depuis avril 2024). Le président russe n’accepte qu’une rencontre en tête-à-tête avec Donald Trump. Ce fut le cas en Alaska au mois d’août. Mais il n’y a eu aucune avancée.
Donald Trump a donc proposé en novembre un nouveau plan de paix, plutôt favorable à Moscou avec des cessions de territoires à la Russie. Kiev juge ce plan défavorable. Il l’a remanié et l’a renvoyé à Washington pour consultation. Critiqué par Donald Trump sur sa légitimité, Zelensky a également promis des élections sous trois mois si les conditions sont réunies. Entre temps, la Russie continue de grignoter le territoire ukrainien au grand dam de Bruxelles.
Un conflit gelé pas réglé entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie
Autre conflit soi disant réglé par Donald Trump, celui opposant l’Azerbaïdjan à l’Arménie. Sous l’œil satisfait de Donald Trump, ces deux pays ont signé, le 8 août 2025, à la Maison Blanche, une « déclaration commune » qui acte la fin d’un conflit engagé depuis des décennies et à respecter la souveraineté et l’intégralité territoriale de chacun. Cet accord prévoit par ailleurs la création d’une zone de transit passant par l’Arménie et reliant l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan, plus à l’ouest.
Mais la question sensible du Haut-Karabakh a été éludée. Cette enclave longtemps occupée par des séparatistes arméniens a été reprise totalement en 2024 par Bakou au grand dam d’Erevan. Dans ce conflit, on a clairement affaire à une paix du vainqueur et rien ne garantit que l’Azerbaïdjan ne va pas reprendre son offensive pour prendre possession des régions du sud de l’Arménie et relier le reste du pays à Nakhitchevan.
Donald Trump joue le pacifiste, tout en menaçant d’invasion d’autres pays
Donald Trump s’est également impliqué dans le conflit entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan concernant le Grand barrage de la Renaissance (GERD). Mais, au lieu de jouer le médiateur, il a accusé l’Éthiopie de nuire à l’Égypte en empêchant l’eau de circuler normalement. Le président américain a suspendu une partie de l’aide financière US à Addis-Abeba. Comme pour répondre à la suggestion de Washington de détruire le barrage, le Caire a dit qu’il ne restera pas les bras croisés, soulevant les risques d’une guerre. Dans ce conflit comme dans les autres, le président américain n’a pas vraiment réglé le problème. Il semble qu’il se préoccupe davantage de faire du business, comme en RDC et en Ukraine (sur les minerais).
S’il revendique le prix Nobel, on serait tenté de lui rappeler ses menaces d’invasion du Groenland et ses manœuvres guerrières dans les Caraïbes contre le Venezuela. Cependant, on peut lui reconnaître au moins d’avoir essayé d’apaiser le monde. À ce titre, Trump mérite certainement le prix plus que la Vénézuélienne Maria Corina Machado, qui appelle à la guerre contre son pays et qui n’a mérité cette récompense que parce qu’elle s’oppose à un régime détesté par Washington et ses alliés. Rien de plus.



