Mali : Tombouctou retrouve une partie de ses manuscrits anciens 

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Au Mali, les autorités de Bamako ont retourné lundi à Tombouctou près de 50 000 manuscrits anciens, treize ans après leur exfiltration de la ville pour les mettre à l’abri des destructions de groupes terroristes. Ces documents, écrits en arabe ou en fulani, portent notamment sur la jurisprudence islamique, la médecine et l’astronomie. Ils témoignent du riche patrimoine spirituel et intellectuel de la cité des 333 saints.

Treize ans après l’occupation de Tombouctou par des groupes djihadistes et le Mouvement de libération de l’Azawad, près de 50 000 manuscrits anciens ont fait leur retour dans la ville, le lundi 11 août. Ces documents multiséculaires sont considérés comme une partie de l’âme de la cité des 333 saints. Ils constituent le premier lot d’un important patrimoine culturel toujours en exil.

Les documents acheminés par un avion de l’armée malienne

Ces manuscrits anciens ont été acheminés depuis Bamako, via un avion cargo de l’armée malienne. Une fois à Tombouctou, la cargaison de plus de 200 caisses et d’environ 5,5 tonnes a été transportée par camion jusqu’à l’Institut des hautes études et recherches islamiques, où la population et les chefs religieux attendaient avec joie et impatience le retour des précieux documents. Diahara Touré, maire adjoint de Tombouctou, a relevé que les manuscrits anciens étaient importants pour la population locale, car ils reflètent la civilisation et le patrimoine spirituel et intellectuel malien. Il les a décrits comme « un héritage qui témoigne de la grandeur intellectuelle et du carrefour des civilisations » de la ville de Tombouctou, ainsi qu’« un pont entre le passé et l’avenir ».

Les populations de Tombouctou réclamaient le retour des manuscrits anciens

Baba Moulaye, président de la société civile de Tombouctou, se réjouit lui de voir une demande de plusieurs années être enfin satisfaite. « Les populations réclamaient le retour des manuscrits (…) Nous avons interpellé le ministre de l’Enseignement supérieur à la 26ᵉ édition de l’EID (Espace d’interpellation démocratique), pour qu’il assure le retour des manuscrits », a-t-il déclaré. Comme le maire, il note que ces manuscrits constituent « l’âme de Tombouctou », et qu’il y a beaucoup de gens qui vivent de leur présence dans la ville. Alpha Saleh, de l’ONG Sauvegarde et valorisation des manuscrits pour la défense de la culture islamique, affirme pour sa part que ces écrits représentent « l’identité de Tombouctou et le fruit d’un moment de l’histoire extraordinaire ».

Plus de 400 000 documents attendus encore à Tombouctou

En 2012, les groupes armés séparatiste (Azawad) et terroristes (Al Qaida, Mujao, Ansardine, etc.) avaient envahi le nord du Mali de façon éclair avant d’être stoppés par les forces françaises, sauvant le pouvoir de Bamako. Dans les villes capturées, ces islamistes se sont adonnés à des destructions systématiques d’édifices historiques et de biens culturels. À Tombouctou, ils ont détruit neuf mausolées et près de 4 000 manuscrits sur les 500 000 que comptait la cité. Le reste n’a été sauvé que grâce aux bibliothécaires et associations, qui ont caché les documents dans des sacs de riz, pour les transporter ensuite à moto ou sur des charrettes tirées par des ânes. Par la suite, les papiers ont été acheminés à Ségou, puis à Bamako pour être mis en sécurité.

La situation sécuritaire reste délétère dans le nord du Mali

Les autorités maliennes ont promis de poursuivre les expéditions à Tombouctou, ville située à plus de 700 kilomètres de Bamako. Mais la situation sécuritaire reste fragile au nord du Mali. Tout comme le Burkina et le Niger voisins, le pays continue de subir les assauts des groupes terroristes et indépendantistes Touaregs, malgré l’appui de la société militaire russe Wagner qui s’est installée au Mali après le départ forcé des forces internationales (armée française et casques bleus de l’ONU notamment). En raison de la situation sécuritaire précaire, les bibliothécaires privés se montrent réticents à revenir à Tombouctou alors qu’ils possèdent une importante partie des manuscrits. Bamako devra les convaincre qu’ils ne risquent plus rien à y retourner.

Les manuscrits anciens de Tombouctou remettent en cause les conceptions obtuses sur l’Afrique

Ces manuscrits anciens, que l’UNESCO a classés au patrimoine culturel mondial, couvrent plusieurs sujets, allant de la théologie et de la jurisprudence islamiques à l’astronomie, à la médecine, aux mathématiques, à l’histoire et à la géographie. Ils témoignent du riche patrimoine culturel et intellectuel des empires du Mali et du Songhaï en Afrique de l’Ouest dans les siècles passés. Ces écrits remettent en question les conceptions obtuses sur l’Afrique. Ils sont pour la plupart en arabe ou en fulani. Ces documents rappellent aussi que la région de Tombouctou a été une capitale intellectuelle, notamment au XVe siècle, accueillant des savants arabes et des explorateurs européens comme René Caillé plus tard.

Tombouctou, une cité prospère avant le XIXe siècle

Tombouctou, qui comptait 100 000 habitants à son apogée, abritait 180 écoles et universités, dont la très célèbre université de Sankoré. Plus 25 000 étudiants y recevaient un apprentissage de qualité, aboutissant à l’obtention d’un diplôme reconnu. On y enseignait des matières telles que l’astronomie, l’économie, le droit, les mathématiques, la poésie, la musique et bien d’autres activités introduites dans le pays par les Arabes. Ces derniers avaient reçu ces enseignements des Grecs, qui eux-mêmes étaient les élèves des prêtres de l’ancienne Égypte.