Colonisation : l’Algérie s’intéresse aussi aux crimes environnementaux de la France

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L’Algérie à lancé une Commission nationale et un guide scientifique consacré à la recherche sur les crimes environnementaux du colonialisme dans le pays et en Afrique. Ce projet fondateur s’inscrit dans une démarche stratégique visant à restaurer la conscience collective autour de cette période sombre de l’histoire de la nation algérienne. Il n’a pas pour objectif d’obtenir une compensation.

Le lundi 10 novembre, à Alger, les autorités algériennes ont mis en place une commission nationale pour la mémoire environnementale coloniale. C’était à l’occasion d’un colloque organisé au ministère de l’Environnement et de la Qualité de la vie, en présence de la ministre Kaoutar Krikou, de son collègue des Moudjahidine et des Ayants droit, Abdelmalek Tacherift, du conseiller du Président de la République, chargé de l’Énergie, des Mines et de l’Environnement, Amine Mazouzi, ainsi que de représentants de plusieurs départements ministériels et institutions concernées.

Les crimes environnementaux de la colonisation persistent de nos jours 

Cette initiative s’inscrit dans le cadre du projet « Mémoire environnementale coloniale » et suit les recommandations issues du colloque national du 3 novembre à Alger, intitulé « les séquelles environnementales du colonialisme en Afrique : vérités historiques et séquelles écologiques – le cas de l’Algérie ». Lors de ce colloque, des experts ont unanimement souligné l’importance de documenter toute forme de violence écologique exercée par le colonialisme et ses effets persistants à ce jour. Cette nouvelle approche de l’étude des séquelles de la colonisation vise à mettre en lumière tous les crimes de cette période sombre pour l’Algérie et l’Afrique toute entière.

Étudier les crimes environnementaux du colonialisme répond à un devoir de vérité

Mme Kaoutar Krikou a expliqué que ce projet de Commission nationale pour la mémoire environnementale coloniale constitue un volet de la politique nationale de préservation de la mémoire, définie par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et qu’il traduit la volonté du gouvernement de lier la mémoire historique à la connaissance scientifique.

La ministre a également souligné que la mémoire environnementale répond à un devoir de vérité et de continuité dans la préservation du patrimoine naturel et historique de la nation algérienne. Elle a en outre relévé que le lancement de la commission nationale coïncide avec la Journée internationale pour la prévention de l’exploitation de l’environnement en temps de guerre et de conflit armé, célébrée le 6 novembre de chaque année.

Plusieurs ministères travailleront sur ce projet 

La Commission nationale pour la mémoire environnementale regroupe des fonctionnaires de plusieurs ministères, notamment ceux de l’Intérieur, de la Défense nationale, de l’Agriculture, de la Santé, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, ainsi que de représentants du Centre national de recherche sur le mouvement national et la Révolution du 1er Novembre – relevant du ministère des Moudjahidine et des Ayants droit – et du Centre de l’environnement et du développement durable – relevant du ministère de l’Environnement et de la Qualité de la vie. Cette synergie intersectorielle permettra de collecter des données scientifiques, de constituer une base documentaire solide sur les atteintes environnementales du colonialisme et de dresser une cartographie nationale complète des régions impactées.

Un guide scientifique pour encadrer les travaux de recherche 

Ce lundi 10 novembre, la ministre Kaoutar Krikou a également procédé au lancement du guide scientifique intitulé « Témoin oculaire » dédié à la recherche et à l’investigation sur les séquelles environnementales du colonialisme en Algérie et en Afrique. Ce document doit encadrer les travaux de recherche, la collecte et la vérification des données relatives aux crimes environnementaux perpétrés durant la colonisation.

Parmi les atteintes environnementales commis pendant cette période figurent l’expropriation des terres, la politique de la terre brûlée et le déplacement forcé des habitants. Selon les autorités algériennes, près de 50% de la population rurale avait été déplacée de force de son environnement d’origine par les colonisateurs français.

La France n’a pas assumé ses responsabilités dans la réparation de ses crimes environnementaux 

Alger pointe en outre les explosions nucléaires et se plaint de l’absence d’archives coloniales sur ces essais, qui impactent non seulement l’environnement, mais aussi la santé des populations locales. Selon Abdelmalek Tacherift, les conséquences auraient été sévères si l’ANP (Armée Nationale Populaire) ne s’était pas engagée, dès 1963, dans une vaste opération de déminage.

Le ministre des Moudjahidine et des Ayants droit pense que le colonialisme français n’a pas assumé ses responsabilités dans la réparation des dommages environnementaux qu’il a causés, contrairement à d’autres pays. Il prend pour référence les catastrophes de Tchernobyl (Ukraine) et de Fukushima (Japon). Pour anticiper toute interprétation malveillante, M. Tacherift a précisé que l’Algérie ne dénonce pas les crimes environnementaux du colonialisme pour revendiquer des compensations, mais pour la reconnaissance. « Les preuves scientifiques seront notre argument de vérité et de légitimité », a-t-il ajouté.

Le colonialisme a laissé de lourdes séquelles environnementales en Afrique 

De son côté, l’expert camerounais en relations internationales et en géopolitique, Wullson Mvomo Ela, qui était invité à ce colloque, a déclaré que le recouvrement par l’Algérie de sa souveraineté nationale passe également par « la politique écologique ». Aussi, juge-t-il que la dimension environnementale ne saurait être appréhendée sous son seul aspect naturel, puisqu’elle constitue à la fois un prolongement de la mémoire nationale et l’un des fondements de l’indépendance effective. Plus largement, souligne Mvomo Ela, le colonialisme a laissé en Afrique de lourdes séquelles environnementales persistants, à travers le découpage des territoires, l’exploitation des ressources naturelles et la destruction des écosystèmes.