Le Parlement algérien a adopté à l’unanimité, le mercredi 24 décembre, une loi criminalisant la colonisation française. Le texte réclame des excuses officielles et des réparations financières, sans préciser un montant. Il s’inscrit dans un contexte de tension accrue entre l’Algérie et la France, depuis la reconnaissance de celle-ci de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Sans surprise, le Quai d’Orsay a déploré « une initiative manifestement hostile » de la part d’Alger.
Après plusieurs mois de travaux, le Parlement algérien a voté à l’unanimité, le mercredi 24 décembre, une loi criminalisant la colonisation française, qui a duré plus de 130 ans. Le texte qualifie la colonisation française de crime d’État, en raison notamment des essais nucléaires, du pillage systématique des richesses du pays, des exécutions sommaires, des incendies de villages et de l’utilisation de produits interdits comme le napalm. « Nous exigerons à l’avenir des réparations pour les ressources qui ont été pillées et spoliées en Algérie », a déclaré Fares Rahmani, député algérien, après l’adoption du texte. Mais Alger réclame en premier lieu des excuses officielles, avant des réparations financières, dont le montant n’a pas été précisé.
La loi criminalisant la colonisation relève d’un acte mémoriel, politique et juridique
Le vote à l’unanimité de cette loi a été salué par les parlementaires algériens. Pour ces derniers, il s’agit avant tout d’une loi mémorielle, politique et juridique, qui relève d’un acte de souveraineté, par lequel l’Algérie choisit de nommer le passé comme il s’est présenté : brutal et inhumain. Ils assurent que le texte ne constitue pas un geste anti-français, mais représente une affirmation politique plus large visant à redéfinir la relation franco-algérienne.
Dans le milieu médiatique aussi on acclame la loi adoptée à la veille de Noël. Hadda Hazem, directrice du quotidien Al Fadjr, pense que l’Algérie devait se doter de ce texte au lendemain de son indépendance, en 1962. « Il fallait solder le contentieux dès le départ, et demander à la France à ce moment-là de reconnaitre ses crimes et de présenter ses excuses », croit-elle.
Emmanuel Macron ne reconnaît pas la colonisation française en Algérie comme un crime
Pour justifier les réparations, Mme Hazem cite l’exemple des Juifs, qui ont eu droit à des compensations de la part de l’Allemagne après que celle-ci eut reconnu ses torts sous Hitler et son régime nazi. Évidemment, Paris voit dans cette loi une provocation d’Alger. Le ministère des Affaires étrangères parle d’« une initiative manifestement hostile à la fois à la volonté de reprise du dialogue franco-algérien et à un travail serein sur les enjeux mémoriels ».
Ainsi, le Quai d’Orsay déplore le texte d’autant qu’il acte l’échec de la tentative de réconciliation mémorielle portée par Emmanuel Macron depuis son premier mandat. Sauf que le président français, en dépit de ses nombreux gestes symboliques sur la guerre d’Algérie, s’est toujours refusé à qualifier la colonisation de crime, créant ainsi un profond décalage entre les deux pays.
L’Algérie et la France en froid depuis la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental
Ce nouvel épisode ravive les tensions entre Paris et Alger. Les frères ennemis ont eu des rapports conflictuels ces derniers mois sur divers dossiers, dont ceux de Boualem Sansal et de Christophe Glez. Mais la loi criminalisant la colonisation trouve surtout son origine dans une autre affaire. En effet, l’Algérie avait hurlé de colère quand la France a reconnu, le 30 juillet 2024, la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, un territoire contrôlé à 80% par Rabat et à 20% par le Front Polisario, un mouvement indépendantiste soutenu par Alger. Les autorités algériennes avaient vivement critiqué la démarche et rompu les relations diplomatiques en rappelant leur ambassadeur à Paris.



