Au Liban, le gouvernement a chargé mardi l’armée nationale de préparer un plan d’action pour désarmer le Hezbollah, sous pression des États-Unis. Cette décision inédite est susceptible de bouleverser l’équilibre politico-sécuritaire en vigueur dans le pays depuis des décennies. Mais si un tel plan devait être élaboré, aurait-il une chance d’être appliqué ? Qui pour désarmer le Hezbollah ? Et quelles options s’offrent au mouvement chiite ?
Le mardi 5 août, le gouvernement libanais a adopté une feuille de route soumise par l’émissaire américain Tom Barrack, qui charge l’armée nationale de désarmer le Hezbollah, seule faction à avoir conservé ses armes depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), au nom de la «résistance» contre Israël. L’armée libanaise doit présenter, avant la fin d’août, un plan pour venir à bout de l’arsenal du mouvement chiite avant le 31 décembre 2025. Cette décision a été saluée par les États-Unis et la France, qui parlent d’une «décision courageuse et historique» vers une pleine souveraineté du Liban et une reprise économique totale du pays.
Le gouvernement libanais a commis un « péché grave »
La feuille de route du pouvoir de Beyrouth retire au Hezbollah la légitimité politique dont il bénéficiait jusqu’ici du fait de son arsenal, et que les précédents gouvernements avaient consacrée. Cette perspective rejoint peu les membres du mouvement chiite et ses partisans. Dans un communiqué publié mercredi, la milice a déclaré que le gouvernement libanais a commis un « péché grave », en adoptant ce projet de désarmement. Il a dit qu’il « fera comme si cette décision n’existait pas ».
Des protestations au Parlement
Ce jeudi, à l’occasion d’une deuxième réunion sur ce dossier explosif, quatre ministres chiites, dont deux affiliés au Hezbollah et deux autres du parti Amal, l’incarnation politique de la communauté chiite, ont quitté la salle en signe de protestation. Malgré leur départ, le document sur le désarmement a été adopté. S’il est encore trop tôt pour parler de crise politique, cette séquence laisse présager de futures frictions et des blocages au Parlement. Ce qui peut provoquer des troubles en mobilisant ses partisans dans la rue et en exhibant ses armes pour instaurer un climat d’intimidation.
Le Hezbollah en défenseur des chiites
Le jeudi 7 août, des dizaines de partisans du Hezbollah ont d’ailleurs défilé à moto dans la banlieue sud de Beyrouth pour protester contre la décision du gouvernement libanais de désarmer le mouvement chiite. Celui-ci pourrait s’appuyer sur ce type de manifestations pour asseoir sa légitimité. Il pourrait d’ailleurs invoquer les violences qui ont endeuillé la communauté alaouite et druze en Syrie pour justifier la nécessité de garder ses armes. Sans le Hezbollah, en effet, les chiites craignent d’être marginalisés et au pire de subir des massacres en représailles. Le groupe armé se pose donc en défenseur légitime de cette communauté, même si l’armée libanaise est multi confessionnelle. Pour convaincre la milice de déposer les armes, les autorités devront donc calmer la crainte des chiites.
Le Hezbollah doit éviter de se mettre à dos la population
Toutefois, si le Hezbollah s’obstine à garder ses armes, quelles options se présentent au gouvernement libanais ? Il semble exclu de recourir à la force dans un pays profondément divisé sur les plans politique et confessionnel. L’armée libanaise n’a d’ailleurs pas les moyens de restaurer son autorité sur toute l’étendue du territoire national, faute de matériel militaire adéquat. Il faudra donc parvenir à une forme de compromis ou d’accord, ce qui ne sera pas facile. De son côté, le Hezbollah a tout intérêt à éviter un affrontement avec l’armée nationale, car il pourrait se mettre à dos la population, qui a déjà trop souffert.
Le Hezbollah ne peut pas se permettre une confrontation avec Israël
En cas de refus du Hezbollah de démissionner, Israël pourrait vraisemblablement entrer en scène, pressé depuis longtemps d’en découdre avec le « parti de Dieu ». Le Hezbollah ne peut pas se permettre une confrontation directe avec l’État hébreu actuellement après les pertes subies récemment. Le groupe armé ne dispose plus de lignes d’approvisionnement depuis l’effondrement du pouvoir de Bachar el-Assad et l’affaiblissement du régime iranien. De plus, il a été affaibli par des frappes israéliennes qui ont éliminé 4000 de ses membres, dont plusieurs commandants. Il a donc tout intérêt à trouver une position conciliante pour continuer d’exister au moins politiquement.